Samedi 30 novembre, nous nous entassons à plus de 30 dans la salle à manger, pour assister au spectacle « Mémoires d’Italie. »
Saturday, November 30, we pile up more than 30 in the dining room, to attend the show « Mémoires d’Italie ».
Il y a là Micheline Dupland la conteuse, Dominique Molin qui lui donne la réplique, et les musiciens : Païvi Kaukonen à l’accordéon, Jacques Boyadjian au violon et Marylène Burnel aux percussions.
Here there are Micheline Dupland the storyteller, Dominique Molin who gives the reply, and the musicians: Païvi Kaukonen on accordion, Jacques Boyadjian on violin and Marylène Burnel on percussion.
Dans l’assistance, sept personnes sont italiennes, ou d’origine italienne, une motivation supplémentaire pour ne pas rater ces nouvelles Kalyneries Paulifauniques.
In the audience, seven people are Italian, or of Italian origin, an additional motivation not to miss these new Kalyneries Paulifauniques.
Je laisse la parole à Dominique pour présenter le travail de collectage à l’origine de ce spectacle :
I hand over to Dominique to present the collection work at the origin of the show:
« En 2011, un groupe de l’association Italie Nord-Isère décide d’entreprendre un travail de collecte de témoignages auprès des personnes d’origine italienne qui se sont installées en France, à partir des années 30 du XXè siècle, pour des raisons souvent économiques mais pas toujours.
Des adhérents ont interviewé, à raison d’une heure chaque fois, environ 35 à 40 personnes. La plupart d’entre elles étaient âgées, mais pas toutes. Elles nous ont raconté un peu de leur vie avant de quitter le pays où elles étaient nées, elles nous ont dit quelques-unes des péripéties de leur voyage, puis de leur installation en France et de leur intégration. Parfois, mais toujours avec beaucoup de pudeur, nous sentions poindre une émotion réelle lorsqu’elles évoquaient cette Italie qu’elles avaient été obligées de quitter. Parfois dans la douleur, d’autres fois pour suivre un conjoint mais toujours en laissant derrière elles des parents, des amis… et des souvenirs. »
« In 2011, a group from the association Italie Nord-Isère decides to undertake a collection of testimonies with people of Italian origin who settled in France, from the 30s of the 20th century, for reasons often economic but not always.
Members have interviewed, for one hour each time, about 35 to 40 people. Most of them were old, but not all. They told us a little about their life before leaving the country where they were born, they told us some of the adventures of their journey, then their settlement in France and their integration. Sometimes, but always with a great deal of modesty, we felt a real emotion emerge when they evoked the Italy they had been forced to leave. Sometimes in pain, other times to follow a husband but still leaving behind relatives, friends … and memories. »
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Dominique précise comment, à partir des centaines de pages issues de ces entretiens, l’idée d’un spectacle est venue peu à peu et comment Micheline lui a donné cette forme-là : elle a créé des personnages qui racontent leur existence par son intermédiaire. Tout est véridique, et le public est touché profondément par les récits d’existences souvent très difficiles.
Dominique explains how the idea of a show came gradually and how Micheline gave it this form from hundreds of pages from these interviews: she created characters who tell their existence through her. Everything is true, and the public is touched deeply by the stories of often very difficult lives.
Des pommes de terre et des châtaignes constituaient toute la nourriture d’une partie de la population. Ailleurs, on mangeait du riz, de la polenta, mais la viande n’apparaît pas dans les menus.
Potatoes and chestnuts made up all the food for part of the population. Elsewhere, they ate rice, polenta, but the meat does not appear in the menus.
Les longues journées de travail, les difficultés pour rejoindre en France un mari, un frère… La mendicité quand on se trouve bloqué dans une gare pour des durées interminables. L’arrivée dans un pays inconnu dont on ne parle pas la langue. S’entasser à dix-huit dans un petit appartement : pour le couple qui vient de se marier, un rideau tendu sous l’escalier permet un minimum d’intimité.
The long days of work, the difficulties to join in France a husband, a brother … Begging when you are blocked in a station for endless periods. The arrival in an unknown country whose language one does not speak. Eighteen in a small apartment: for the couple who just married, a curtain stretched under the stairs allows a minimum of privacy.
Le public a particulièrement apprécié la prestation de Micheline, qui ne force pas sa voix, qui raconte avec le plus grand naturel, portant un chapeau quand elle raconte une vie d’homme, un foulard s’il s’agit d’une femme…
The spectators particularly appreciated the performance of Micheline, who does not force her voice, who tells with the greatest naturalness, wearing a hat when she tells a life of a man, a scarf if it is a woman …
Elle ne raconte pas sa vie, mais elle s’est approprié toutes celles qu’elle évoque. Ce sont aussi des existences qu’elle côtoie, qui font partie de son quotidien : dans son quartier, les voisins originaires d’Italie sont si nombreux et elle les connaît depuis si longtemps qu’elle fait partie de leur univers.
She does not tell her life, but she has appropriated all those she evokes. They are also lives she lives with, which are part of her daily life: in her neighborhood, neighbors from Italy are so numerous and she knows them for so long that she is part of their universe.
J’ignorais son nom de jeune fille : sa famille à elle aussi est issue de quelque part en Italie.
I did not know her maiden name: her family, too, came from somewhere in Italy.
Dominique, attablé auprès d’elle à une table de café, lui donne la réplique, l’écoute, l’interroge ingénument. Puis Païvi réveille en douceur son accordéon, Jacques prépare son archet, Marylène fait tourner la brosse sur la batterie et soudain le rythme éclate. Si Micheline tape dans ses mains, toute la salle fait de même. (Sauf moi, à cause des points de suture, qui ne seront bientôt plus qu’un souvenir.)
Dominique, seated beside her at a coffee table, gives her a reply, listens to her, questions her ingenuously. Then Païvi gently wakes up his accordion, Jacques prepares his bow, Marylène turns the brush on the drums and suddenly the rhythm bursts. If Micheline claps her hands, all the spectators do the same. (Except me, because of the stitches, which will soon be a memory.)
La mise en scène est simple et sans tapage, les musiques bien entendu sont des airs du répertoire traditionnel italien. La salle rit parfois, tape le rythme et chante quand c’est possible.
The staging is simple and without hype, the music of course are tunes of the traditional Italian repertoire. The audience sometimes laughs, plays the rhythm and sings whenever possible.
Une dame très âgée, la doyenne de notre assemblée, la grand-mère de Maud, attire l’attention de tous. Dans son enthousiasme, elle est prête à se rendre sur scène pour enchaîner sur sa propre histoire, elle donne la réplique à MIcheline, et elle chante chaque fois que le public peut le faire. Cette dame est française, pourtant Micheline a bien l’intention d’écouter l’histoire de sa vie comme cela s’est fait avec les Italiens : elles se sont déjà donné rendez-vous…
A very old lady, the oldest of our assembly, Maud’s grandmother, attracts everyone’s attention. In her excitement, she is ready to go on stage to follow on her own story, she replies to MIcheline, and she sings whenever the public can do it. This lady is French, yet Micheline intends to listen to the story of her life as it was done with the Italians: they have already made an appointment …
De nombreuses personnes ont le cœur serré. Être migrant, ce n’est jamais facile.
Many people have a tight heart. Being a migrant is never easy.
Je vous invite à découvrir ou retrouver la belle chanson de Juliette, « aller sans retour » en cliquant ici :
I invite you to discover or recover the beautiful song of Juliette, « aller sans retour » by clicking here:
Il faut du courage pour tout oublier
Sauf sa vieille valise et sa veste usée
Au fond de la poche un peu d’argent pour
Un ticket de train aller sans retour
Aller sans retour
You need courage to forget everything
Except your old suitcase and worn jacket
At the bottom of the pocket a little money for
A train ticket going without return
Going without return
Nos artistes sont longuement applaudis après cette belle prestation. Une discussion s’engage, il se passe encore un moment avant de partager le buffet.
Our artists are long applauded after this beautiful performance. A discussion begins, it is still a moment before sharing the buffet.
Gilles et Florence sont venus avec leur voisin, qui me confie comment il a commencé à travailler à la mine à la-Mure dès qu’il a eu quatorze ans. Il n’y a pas que les Italiens qui ont des histoires à raconter. Quand je pense à tout ce que les personnes âgées ont à nous dire : chaque année qui s’ajoute aux précédentes est aussi une richesse, même si elle nous affaiblit, et je regrette que la structure de la société isole les personnes âgées plutôt que de mélanger les générations.
Gilles and Florence came with their neighbor, who tells me how he started working at the mine in la-Mure as soon as he was fourteen. Not only the Italians have stories to tell. When I think of all that old people have to say to us: each year that is added to the previous ones is also a richness, even if it weakens us, and I regret that the structure of society isolates the elderly rather than mix the generations.
Angelo propose d’aller chercher sa guitare, et nous acceptons avec enthousiasme. Il a une voix magnifique, il entonne des chants du répertorie italien en commençant par quelques chansons siciliennes, entouré tout de suite par Èvelyne, Emma, Badette, Brigitte, Nathalie… Des accompagnements s’improvisent, la grand-mère de Maud se trouve des partenaires pour danser.
Angelo offers to take his guitar, and we accept with enthusiasm. He has a beautiful voice, he sings songs from the Italian repertoire, starting with some Sicilian songs, surrounded immediately by Èvelyne, Emma, Badette, Brigitte, Nathalie … Accompaniments are improvised, the grandmother of Maud has partners to dance.
Angelo, Èvelyne et la vieille dame ont pu venir seulement à cause de désistements de dernière minute : c’est vraiment dommage pour Ilse et Murielle, mais elles ont fait des heureux !
Angelo, Èvelyne and the old lady could come only because of last-minute cancellations: it’s a pity for Ilse and Murielle, but they made others happy!
Merci à Gaëlle qui m’a mise en contact avec Maud.
Merci à Maud qui m’a mise en contact avec papa Angelo, maman Èvelyne et la grand-mère, tous trois fabuleux. Maud, un jour tu prendras Gaëlle par la main, elle connaît le chemin, vous passerez dire bonjour.
Thanks to Gaëlle who got me in touch with Maud.
Thanks to Maud who got me in touch with dad Angelo, mum Èvelyne and grandmother, all three fabulous. Maud, one day you’ll take Gaëlle by the hand, she knows the way, you’ll say hello.
Mais c’est pas fini !
But it’s not over!
Dimanche matin, nous nous retrouvons autour de la table, dans une salle à manger moins encombrée ! Jérôme est venu tout exprès de Paris pour le week-end, il a même couru ses quelques kilomètres avec Renato samedi matin – et pour les lecteurs attentifs, oui, Renato et Ariane ont fait un bref séjour dans leur maison bientôt vendue. Ils n’habitent plus Passins. Laurent et Nathalie, des habitués des Kalyneries Paulifauniques, sont venus de Grenoble en guidant Emma et Badette.
Sunday morning, we are around the table, in a less crowded dining room! Jerome came expressly from Paris for the weekend, he even ran a few kilometers with Renato Saturday morning – and for the attentive readers, yes, Renato and Ariane made a brief stay in their home soon sold. They no longer live in Passins. Laurent and Nathalie, regulars of the Kalyneries Paulifauniques, came from Grenoble, guiding Emma and Badette.
J’avais perdu de vue ces deux dernières en 1971 à peu de chose près (revu et reperdu Emma entre-temps). J’étais à l’EN avec Emma (école normale d’institutrices) avant que chacune parte vivre sa vie. Or, quand Paul et moi avons fait la connaissance de Laurent et Nathalie, nous avons découvert que non seulement ils connaissaient déjà Séb par les réseaux sociaux, mais encore que Nathalie et Badette sont amies.
I had lost sight of these last two in 1971 almost (reviewed and reperduated Emma in the meantime). I was in EN with Emma (Ecole Normale – teacher’s school) before everyone went to live their life. However, when Paul and I met Laurent and Nathalie, we discovered that not only did they know Séb by social networks, but that Nathalie and Badette are friends.
Pas loin de cinquante ans sans se croiser, et c’est le plaisir des retrouvailles. Autour de la cafetière, nous parlons de nos livres préférés, comme souvent. Et parce que les ouvrières italiennes sont présentes dans le livre « mélancolie ouvrière », nous évoquons ce récit de l’existence de Lucie Baud, une femme hors du commun… mais peu connue.
Not far from fifty years without seeing each other, and it is the pleasure of the reunion. Around the coffee maker, we talk about our favorite books, as often. And because the Italian workers are present in the book « mélancolie ouvrière », we evoke this story of the existence of Lucie Baud, a woman out of the ordinary … but little known.
« En août 1904 elle est la seule femme à participer en tant que déléguée syndicale au sixième congrès national de l’industrie textile à Reims » nous dit Wikipédia. « Sa présence est saluée mais on ne lui donne pas la parole. »
« In August 1904 she is the only woman to participate as a union delegate at the sixth national congress of the textile industry in Reims, » Wikipedia says. « Her presence is welcomed but nobody gives her the floor. »
Lucie a écrit son témoignage.
Lucie wrote her testimony.
Un film de Gérard Mordillat avec le même titre retrace son existence : pour le tournage, on a réveillé les métiers à tisser de St-Julien-Molin-Molette, un lieu qui évoque aussi Michèle Bernard. Pour les admirateurs de cette chanteuse, le nom de ce village évoque d’inoubliables rencontres musicales.
A film by Gérard Mordillat with the same title retraces her existence: the looms of St-Julien-Molin-Molette have been wake for the shot, a place that also evokes Michèle Bernard. For the admirers of this singer, the name of this village evokes unforgettable musical encounters.
Nous sautons ainsi d’une histoire à une autre, et nous ne manquons pas de parler de Coline Picaud, pour son « Disgrazia ! » suivi de « Mais pour toi demain il fera beau » : ce sont des bandes dessinées de reportage où elle évoque l’histoire de sa famille originaire de Corato dans les Pouilles ou de Sommatino en Sicile.
So we jump from one story to another, and we do not fail to talk about Coline Picaud, for her « Disgrazia! » followed by « Mais pour toi demain il fera beau » – « But for you tomorrow it will be nice »: they are comics of reportage where she evokes the history of her family originating from Corato in Puglia or Sommatino in Sicily.
Or il se trouve que c’est une de nos collègues-amies de l’EN qui a mis Emma en contact avec Coline, et en trouvant le nom de ma copine dans les remerciements à la fin du bouquin, je pensais qu’il s’agissait bien de mon amie perdue de vue.
Now I learn that one of our colleagues-friends of the EN put Emma in touch with Coline. I, finding the name of my friend in the thanks at the end of the book, I thought it was really my lost friend.
Tous ces hasards sont vraiment extraordinaires. J’ai peut-être parlé une autre fois des retrouvailles de Laurent et Fred, à l’occasion d’autres Kalyneries Paulifauniques, eux ne s’étaient perdus de vue « que » pendant vingt-cinq ans…
All these chances are really extraordinary. Maybe I have spoken another time about the reunion of Laurent and Fred, on the occasion of other Kalyneries Paulifauniques, they had lost sight of « only » for twenty-five years …
Avant de vous quitter, je porte à votre connaissance quelque chose comme un électrocardiogramme : en réalité, ce sont les statistiques de vos lectures. Vos visites du mardi sont aussi régulières que les battements de mon cœur. Vous restez en moyenne une minute et trente-six secondes sur mon blog, donc vous le lisez, vous ne faites pas que passer en courant comme le font les robots. J’ai aussi photographié le « taux de rebond » pour l’élégance de ses courbes.
Before to leave you, I bring to your attention something like an electrocardiogram: in fact, these are the statistics of your readings. Your Tuesday visits are as regular as the beating of my heart. You stay an average of one minute and thirty-six seconds on my blog, so you read it, you do not just run as the robots do. I also photographed the « bounce rate » for the elegance of its curves.
Je serai vendredi 6 en visite auprès du chirurgien qui va me confirmer que tout va bien. Peut-être que le tram aura du mal à circuler, si le mouvement de la veille prend de l’ampleur – mouvement que je soutiens en espérant que pour une fois, ce ne seront pas toujours les mêmes les gagnants…
I will be Friday 6 visiting the surgeon who will confirm that everything is perfect. Maybe the tram will have trouble to move, if the movement of the previous day is gaining momentum – movement that I support hoping that for once, the winners will not always be the same …