Je vais vous faire faire des économies : en effet, je vous engage vivement à courir ne pas acheter un livre.
Je le convoitais depuis longtemps. Depuis des années. Il n’est pas tombé du ciel, il était juste coincé entre le lit et la cloison, quand j’ai déplacé le lit (plus facile à faire que la cloison), j’ai entendu boum, un petit boum : quelqu’un avait dû s’endormir dessus (pas sur un boum, mais sur ces pages soporifiques) et l’avait glissé vite fait par-dessus sa tête où par la suite il l’a oublié. Ce que je conçois aisément.
Ça s’appelle « les quatre accords toltèques », ça te donne des conseils pour réussir ta vie, suivre le bon chemin…
Inutile de t’y plonger, c’est archi-nul ! L’auteur nous explique comment nous subissons dès notre naissance un processus de domestication à coup de récompenses et de punitions qui finissent par faire de nous des peureux. Mes parents ne m’ont pas dressée ni domestiquée, il m’ont éduquée, même si aujourd’hui encore je ne les approuve pas entièrement. Et je parie que la majorité de mes lecteurs n’a pas le sentiment d’avoir subi un processus de domestication.
Et ça viendrait de la sagesse des chamans toltèques ? Parce que « toltèque », ça sonne bien, c’est vendeur ? Pauvres Amérindiens ! Voilà qu’ils servent d’argument de vente.
I’ll save you some money: indeed, I urge you to run not to buy a book.
I coveted it for a long time. For years. It didn’t fall out from the sky, it was just stuck between the bed and the partition, when I moved the bed (easier to do than the partition), I heard boom, a little boom: someone must have fallen asleep on it (not on a boom, but on these soporific pages) and quickly slipped it over his head where he subsequently forgot it. Which I easily understand.
It’s called « les quatre accords toltèques » « the four Toltec agreements », it gives you advice to succeed in your life, to follow the right path…
No need to dive into it, it sucks! The author explains to us how we undergo from our birth a process of domestication with rewards and punishments that end up making us fearful. My parents did not train or domesticate me, they educated me, even if even today I do not entirely approve of them. And I bet the majority of my readers do not feel that they have undergone a process of domestication.
And that would come from the wisdom of the Toltec shamans? Because « Toltec » sounds good, it sells? Poor Native Americans! That’s what they serve as a selling point.
Cela fait maintenant bien longtemps que nous sommes revenus de Provence, mais je souhaite partager encore quelques moments en picorant ceci ou cela ici ou là. Y compris ce drôle de chargement sur un camion énorme qui a réussi à en croiser un autre aussi gros et chargé tout autant.
It’s been a long time since we came back from Provence, but I want to share a few more moments by picking up this or that here or there. Including this funny load on a huge truck that managed to cross another one just as big and loaded just as much.
Lors de notre séjour du mois de mars, j’avais demandé à la librairie La Carline des nouvelles de Pierre Lieutaghi : il réside à deux pas, et je rêvais de le rencontrer. Mais la libraire me l’avait déconseillé, il est très âgé, très fatigué.
During our stay in March, I had asked the La Carline bookstore for news of Pierre Lieutaghi: he lives close by, and I dreamed of meeting him. But the bookseller advised me against it, he is very old, very tired.
Nous sommes les heureux propriétaires d’un de ses premiers ouvrages dans son édition originale chez Robert Morel, « le Livre des arbres, arbustes et arbrisseaux ». Il est possible que Paul l’ait acheté avant que je le connaisse (Paul, pas Robert). Robert Morel a édité plusieurs ouvrages d’une grande beauté, à la couverture en toile. « Le livre des boissons » comporte même un bouchon !
Robert Morel se trouvait à le-Revest-saint-Martin où nous sommes passés en mars et en octobre. L’éditeur et l’auteur habitaient à petite distance l’un de l’autre, bien pratique pour travailler ensemble.
We are the proud owners of one of his first works in its original edition at Robert Morel, « le Livre des arbres, arbustes et arbrisseaux », « the Book of trees, shrubs and bush ». It’s possible that Paul bought it before I knew him (Paul, not Robert). Robert Morel has published several books of great beauty, with a canvas cover. « Le livre des boissons », « the book of drinks » even has a cork!
Robert Morel was in Le-Revest-Saint-Martin where we went in March and October. The publisher and the author lived a short distance from each other, which was very convenient for working together.
Ce livre des arbres, arbustes et arbrisseaux parle de botanique et d’ethnobotanique, il est bourré d’information mais reste accessible à un large public, et il est très vite devenu un outil de référence. La liste des végétaux étudiée va de l’abricotier jusqu’à la viorne tin.
This book of « arbres, arbustes et arbrisseaux » talks about botany and ethnobotany, it is full of information but remains accessible to a wide audience, and it quickly became a reference tool. The list of plants studied goes from the apricot tree to the tin viburnum.
La présence de Pierre Lieutaghi est très forte dans les beaux jardins de Salagon et dans le musée. La présence de Pierre Martel qui a fondé l’association Alpes de Lumière y est très forte aussi. « Pierre Martel est à l’origine du grand mouvement d’étude des constructions en pierre sèche provençales conduit dans les années 1960 » nous dit Wikipédia. L’association Alpes de Lumière « a pour objet l’étude, la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine bâti, naturel et culturel de la Haute-Provence. »
The presence of Pierre Lieutaghi is very strong in the beautiful gardens of Salagon and in the museum. The presence of Pierre Martel, who founded the Alpes de Lumière association, is also very strong there. « Pierre Martel is at the origin of the great movement of study of Provençal dry stone constructions led in the 1960 » Wikipedia tells us. The Alpes de Lumière association « aims to study, safeguard and enhance the built, natural and cultural heritage of Haute-Provence. »
Je ne résiste pas au plaisir de vous montrer ces photos d’un verre réparé. On commence à bien s’éloigner de la botanique cette fois ! D’ailleurs, ethnobotanique, ça veut dire quoi ? Et l’ethnologie, c’en est un morceau, c’est à côté, c’est dedans ? Carole Brousse a publié une « Ethnographie des ethno botanistes de Salagon » et ça commence par me faire rire. Mais elle évoque « la précarité dans laquelle exercent certains ethnobotanistes professionnels, » et moi dès que j’entends « précarité », mon attention est réveillée, au cas où il faudrait faire quelque chose : son travail est à prendre au sérieux – mais il concerne qui ?
I can’t resist the pleasure of showing you these photos of a repaired glass. We’re starting to stray far from botany this time! By the way, what does ethnobotany mean? And ethnology, is it a piece of it, is it beside it, is it inside? Carole Brousse published an « Ethnography of the ethno botanists of Salagon » and it starts by making me laugh. But she mentions « the precariousness in which some professional ethnobotanists operate, » and when I hear « precariousness », my attention is aroused, in case something needs to be done: her work is to be taken seriously – but it concerns who ?
Patched stemmed glass
Glass used at the Lombard café in Banon whose broken foot was replaced by a Phoscao brand chocolate breakfast box lid. The lack of means forced the peasants to take advantage of everything. Pierre Martel had succeeded in attracting attention to these « little objects », deemed worthy of integrating the collections of a museum.
De mon côté, je ne m’étais pas posé la question de ce que signifie « ethnobotaniste », estimant vaguement qu’il y a là-dedans de l’ethnologie, de la botanique, et les relations entre les deux, non ? Ça n’a pas l’air si simple.
For my part, I had not asked myself the question of what means « ethnobotanist », vaguely believing that there is ethnology, botany, and the relations between the two, right? It doesn’t look that simple.
keyhole garden
« Déjà le mot “ethnobotanique” n’est pas évident
mais ce que ça peut recouvrir
ça reste un peu mystérieux. »
Caroline Carrat, jardinière et participante au séminaire
« Already the word “ethnobotany” is not obvious
but what it can cover
remains a bit mysterious. »
Caroline Carrat, gardener and participant in the seminar
Carole a enquêté auprès de vingt-six personnes pour rédiger ce rapport. Je vous en parle avant de l’avoir lu, peut-être ne me sera-t-il d’aucun intérêt, après tout je ne suis pas en train de chercher un boulot à la sortie de l’université. Si je me suis perdue dans cette notion encore peu connue, à cause de ses significations multiples, tout a commencé parce que « ethnobotaniste », c’est LE mot qui s’attache au nom de Pierre Lieutaghi.
Carole surveyed twenty-six people to write this report. I’m telling you about it before reading it, maybe it won’t be of any interest to me, after all I’m not looking for a job after university. If I got lost in this still little-known notion, because of its multiple meanings, it all started because « ethnobotanist » is THE word that attaches to the name of Pierre Lieutaghi.
Quittons la montagne de Lure et Salagon, retour à Valsaintes
Let’s leave the mountain of Lure and Salagon, return to Valsaintes
Je ne pouvais pas non plus faire ces adieux provisoires à la Provence sans reparler de l’abbaye de Valsaintes. D’abord, les boulinettes. Ce sont des boules, sans doute ce qui reste quand la roche autour a disparu : vous pouvez d’ailleurs assister à la naissance d’une boulinette : à mon avis ça se mesure en durée géologique, je veux dire que la naissance ne sera pas terminée demain.
Nor could I make these temporary farewells to Provence without mentioning the abbey of Valsaintes. First, the « boulinettes ». These are balls, probably what remains when the rock around has disappeared: you can also witness the birth of a boulinette: in my opinion it is measured in geological time, I mean that the birth will not be finished tomorrow.
C’est à peine si j’ai évoqué le jardinier de l’abbaye, Jean-Yves Meignen. Dans les quelques notes que j’ai prises pendant sa conférence, il est question de plantes, de molécules. La lavande compterait au moins trois cents molécules différentes. De ceci découle une évidence : les huiles essentielles de synthèse efficaces, c’est mission impossible. Il a parlé aussi de chromatographie : arrêtez-moi si je dis une connerie, la chromatographie sert, entre autre, à identifier les substances présentes par analyse des couleurs. Or, une plante a autant de couleurs qu’elle compte de molécule (ça doit faire joli !) et les insectes perçoivent ces couleurs. Est-ce la raison pour laquelle il suffit que tu sortes un plat de nourriture pour que toutes les guêpes du pays viennent participer au festin ? Sans doute que Lavande avec un L majuscule saurait répondre à mes questions. Moi, j’en reste à rêver d’être une abeille qui voit plus de trois cents couleurs dans un brin de lavande…
I barely mentioned the gardener of the abbey, Jean-Yves Meignen. In the few notes that I took during his lecture, it is a question of plants, of molecules. Lavender would have at least three hundred different molecules. From this follows the obvious: effective synthetic essential oils are mission impossible. He also talked about chromatography: stop me if I’m talking nonsense, chromatography is used, among other things, to identify the substances present by color analysis. However, a plant has as many colors as it has molecules (it must be pretty!) and insects perceive these colors. Is that why it is enough you bring out a dish of food and all the wasps in the land come to join in the feast? No doubt that Lavande with a capital L would be able to answer my questions. Me, I keep dreaming of being a bee that sees more than three hundred colors in a sprig of lavender…
Alors que Jean-Yves Meignen maîtrise son sujet, moi j’en capte ces petits détails épars, on ne peut pas parler d’information. Quand la poésie vient se nicher dans la science, les ignorantes de mon espèce ne gardent que la poésie et en font leur miel, pourquoi pas ?
While Jean-Yves Meignen masters his subject, I capture these small scattered details, we cannot speak of information. When poetry comes to nest in science, ignoramuses of my kind keep only poetry and make their honey, why not?
Je vais laisser la parole à ce grand tableau qui vous racontera bien mieux que moi l’histoire du chêne remarquable. Cependant, je n’ai pas réussi à voir ni la racine dans la faille du rocher, ni l’empreinte de boulinette, en étant sur place, alors ne vous fatiguez pas trop à les chercher !
Quant à ce terme surprenant, « marcescent », il veut dire « qui se flétrit sur la plante sans s’en détacher ». Paul et moi avons observé cette particularité des feuilles de chênes bien avant de connaître le nom scientifique de la situation.
I will leave the floor to this large board which will tell you much better than me the story of the remarkable oak. However, I didn’t manage to see either the root in the crack in the rock, or the print of the « boulinette », while being there, so don’t bother looking for them!
As for this surprising term, « marcescent », it means « which withers on the plant without detaching itself from it ». Paul and I observed this peculiarity of the leaves of oak trees long before we knew the scientific name of the situation.
Arbre remarquable – Remarkable tree
Le label « arbre remarquable » a été décerné en décembre 2011 à ce chêne blanc tri centenaire « Quercus Pubescens », arbre marcescent aux feuilles persistantes en hiver.
The label « remarkable tree » was awarded in December 2011 to this tricentenary white oak « Quercus Pubescens », a marcescent tree with evergreen leaves in winter.
Cet arbre raconte une longue histoire et nous fait entrevoir la force de la nature. Né d’un simple gland, il y a des centaines d’années, il a profité d’une fissure pour ancrer ses racines à même la roche. Elles descendent lentement au plus profond afin de trouver de l’eau pour ensuite développer tronc et branches. La croissance aérienne est très lente lors des premières années.
This tree tells a long story and gives us a glimpse of the force of nature. Born from a simple acorn, hundreds of years ago, it took advantage of a crack to anchor its roots to the rock itself. They descend slowly to the depths in order to find water to then develop trunk and branches. Aerial growth is very slow during the first years.
Ce rocher de grès se faille, au fil du temps, il se casse par blocs. Nous pouvons supposer que ce phénomène s’est produit au pied de ce chêne. La roche s’est brisée sous la pression des racines et des infiltrations d’eau. L’arbre s’est alors retrouvé en bascule vers le bas, le tronc plongeant à la verticale. Bien accroché, il a résisté pour se redresser ensuite vers le soleil.
Nous pouvons observer une racine dans la faille du rocher et, sur la droite, l’empreinte d’une « boulinette » libérée lors des mouvements de la roche.
This sandstone rock fissures, over time, it breaks in blocks. We can assume that this phenomenon occurred at the foot of this oak tree. The rock broke under the pressure of roots and water infiltration. The tree then found itself tilting downwards, the trunk plunging vertically. Well hung, it resisted to then straighten up towards the sun.
We can observe a root in the fissure of the rock and, on the right, the imprint of a « boulinette » released during the movements of the rock.
Au fil des années, les hommes ont préservé ce chêne. Peut-être devait-il être, comme pour nous, un symbole de résistance et de résilience au temps qui passe. Il poursuit sa vie en trouvant eau et nutriments au plus profond de la roche mère.
Over the years, men have preserved this oak tree. Perhaps it should be, as for us, a symbol of resistance and resilience to the passage of time. It continues its life by finding water and nutrients deep in the source rock.
Je voulais vous montrer d’autres vues de la montagne de la Lure, voici les couleurs automnales que nous y avons trouvées.
I wanted to show you other views of the Lure mountain, here are the fall colors we found there.