L’avez-vous remarqué ? J’essaie de terminer mes publications sur une note plaisante, alors comme j’ai d’innombrables occasions de râler, c’est par là que je commence le plus souvent. Puis je passe en mode plus léger. Peut-être avez-vous moins de peine à digérer mes colères présentées comme cela.
À première vue, ma rogne d’aujourd’hui n’est en rien comparable à celle de la semaine dernière : faute de suffisamment d’inscriptions, nous avons dû annuler le concert prévu. Rien à voir avec la bande d’incapables qui nous gouvernent. Il s’agit d’un petit événement privé, il aurait pu avoir lieu, a été reporté, est-ce grave ?
Did you notice it? I try to end my posts on a pleasant note, so since I have countless opportunities to grumble, this is where I most often start. Then I switch to lighter mode. Perhaps you have less trouble digesting my anger when it’s presented like that.
At first glance, my frustration today is nothing compared to that of last week: due to insufficient registrations, we had to cancel the planned concert. Nothing to do with the band of incompetents who govern us. This is a small private event, it could have happened, was postponed, does it matter?
Depuis ce jour-là, Paul et moi avons tourné la question dans tous les sens : nous avons passé une soirée mémorable à écouter Gérard Morel, toujours aussi spirituel, et profondément humain. Dans une salle de 240 places, à peine plus de trente spectateurs.
Since that day, Paul and I have turned the question around: we spent a memorable evening listening to Gérard Morel, always so witty, and deeply human. In a room with 240 seats, barely more than thirty spectators.
Le moment est peut-être mal choisi : il y a pléthore de festivals de toutes sortes en mai, en juin. On est d’ailleurs peut-être encore sous le coup des réactions post-confinement, on a besoin de se rattraper, de vivre à nouveau – est-ce cela que ressent celui qui sort de détention, toutes proportions gardées ? Il faut donc tenir compte du contexte.
Mais autre chose m’alarme : j’envoie mes invitations à une liste de 180 adresses. Comme elles peuvent aller dans les spams, je demande à tous de me répondre, et je n’ai même pas reçu quarante réponses… Vous allez vous aussi me dire que les bonnes habitudes se perdent, qu’on n’a plus d’éducation.
Perhaps the timing is wrong: there are a plethora of festivals of all kinds in May, June. We are also perhaps still under the influence of post-lockdown reactions, we need to catch up, to live again – is this what the one who comes out of detention feels, all things considered? So you have to take the context into account.
But something else worries me: I send my invitations to a list of 180 addresses. As they can go to spam, I ask everyone to answer me, and I haven’t even received forty answers… You too will tell me that good habits are lost, that we no longer have education .
Je vais encore une fois partager avec vous mon inquiétude à cause de ce tissu social qui se relâche, qui s’effrite, qui se dégrade. C’est trop facile de parler de bonne ou de mauvaise éducation, il faut aller plus au fond des choses : si mes correspondants ne me répondent pas, est-ce aussi par lassitude ? Dans des cas extrêmes, s’agit-il de la mort du désir de partager ? Rencontrer des gens, se confronter, échanger, c’est vivre, que signifie ce repli sur soi ? Je n’invente rien, dans mon entourage beaucoup de gens le ressentent, ce n’est pas juste une impolitesse.
I will once again share with you my concern because of this social fabric which is loosening, which is crumbling, which is deteriorating. It’s too easy to talk about good or bad education, we have to go deeper into things: if my correspondents don’t answer me, is it also out of weariness? In extreme cases, is it the death of the desire to share? To meet people, to confront, to exchange is to live, what does this withdrawal into oneself mean? I’m not making this up, many people around me feel it, it’s not just rudeness.
Dans notre hameau, des maisons ont poussé comme des champignons, nous ne connaissons pas leurs habitants et quand nous disons bonjour… certains ne répondent pas.
In our hamlet, houses have sprung up like mushrooms, we don’t know their inhabitants and when we say hello… some don’t answer.
J’aime beaucoup l’expression « tissu social ». Un tissu est composé d’un grand nombre de fibres et elles sont si fines qu’on ne voit pas chaque brin, on ne voit que leur assemblage. Une société est un « organe » infiniment complexe, il en faut des fils tordus dans le mauvais sens pour obtenir un moche tissu tout mou sans caractère et sans tenue, il en faut pour faire basculer toute une société du mauvais côté !
I really like the term « social fabric ». A fabric is made up of a large number of fibers and they are so fine that we do not see each strand, we only see their assembly. A society is an infinitely complex « organ », it takes threads of it twisted the wrong way to get an ugly limp fabric with no character and no hold, it takes a lot to tip to the wrong way to the whole society!
Peut-on parler de paradoxe ?
L’espèce humaine a inventé le langage, puis l’écriture. Parmi d’innombrables autres inventions extraordinaires. Les incapables qui nous gouvernent font partie de cette espèce pourtant tellement intelligente, et penser à cela me donne le vertige.
J’en reviens à notre tissu, fabriqué comme un nid d’oiseau avec tout ce qui leur tombe sous le bec. Avec le pire et le meilleur qui se côtoient. Cela a toujours été le cas.
Le malheur, c’est le pouvoir que prennent les médiocres, et les mauvais choix qui aujourd’hui risquent de… Bref, vous le savez, je ne m’éterniserai pas là-dessus.
Can we speak of a paradox?
The human species invented language, then writing. Among countless other extraordinary inventions. The incompetents who govern us are part of this species yet so intelligent, and thinking about it makes me dizzy.
I come back to our fabric, made like a bird’s nest with everything that falls under their beak. With the worst and the best that rub shoulders. This has always been the case.
The misfortune is the power taken by the mediocre, and the bad choices which today risk… In short, you know it, I will not dwell on this.
Le pire et le meilleur, je les trouve à un degré élevé dans le dernier livre que j’ai lu.
The worst and the best I find in a high degree in the last book I read.
Jérôme, chanceux, a rencontré l’auteure Gabrielle Filteau-Chiba et lui a demandé de nous dédicacer son dernier opus, Bivouac. Paul et moi avons dévoré l’ouvrage. On y retrouve les personnages de ses romans précédents, « Encabanée » et « Sauvagines », deux livres que j’aime. Ce Bivouac m’a bouleversée comme un livre réussit rarement à le faire. J’ai plus l’impression d’avoir rencontré ces activistes, d’avoir lutté avec eux pour protéger la forêt. Les grandes compagnies sont puissantes, ont l’appui des gouvernants et de la police, réussissent à obtenir l’autorisation de massacrer la forêt.
Jérôme, lucky, met the author Gabrielle Filteau-Chiba and asked her to autograph her latest opus, Bivouac, for us. Paul and I devoured the book. It features characters from her previous novels, « Encabanée » and « Sauvagines », two books that I love. This Bivouac overwhelmed me as a book rarely manages to do. I have more the impression of having met these activists, of having fought with them to protect the forest. The big companies are powerful, have the support of the rulers and the police, manage to obtain authorization to massacre the forest.
p 329 Comment se fait-il que des compagnies aient le feu vert en l’absence d’évaluations environnementales, sans même avoir obtenu le consentement éclairé des principaux affectés ?* Les lobbies des forestières et des pétrolières ont corrompu le système, tout simplement. Il y de ça bien, bien longtemps.
* Il s’agit bien entendu des Premières Nations, non consultées.
p 329 How is it that companies get the green light in the absence of environmental assessments, without even having obtained the informed consent of the principals affected?* The lobbies of the forestry and oil companies have simply corrupted the system. It’s been a long, long time.
* These are of course the First Nations, not consulted.
p 226 — En gros, si on continue de bûcher de même, il ne restera plus d’espaces sauvages au Québec, pas un seul arbre plus vieux que nous. J’veux pas vivre dans ce monde-là. Il nous reste quelques îlots bio-diversifiés. Faut les protéger.
p 226 — Basically, if we continue to log the same, there will be no more wilderness in Quebec, not a single tree older than us. I don’t want to live in that world. We have a few bio-diverse islands left. Must protect them.
Ce beau roman est écrit en pur québécois, il y a même à la fin un glossaire parfois bien utile. Sauf que souvent le contexte fait sens.
Il y a comme un aller-retour permanent de la vie militante à la vie sentimentale, une écriture fluide et directe. Gabrielle n’a pas peur des mots et elle te fait partager l’intimité des personnages. On se sent nu de leur nudité.
La magie de l’écriture, c’est de te faire entrer dans une autre réalité en quittant ta propre réalité. C’est particulièrement sensible avec ce livre-là.
This beautiful novel is written in pure Quebec language, there is even at the end a sometimes very useful glossary. Except that often the context makes sense.
There is like a constant back and forth from militant life to sentimental life, a fluid and direct writing. Gabrielle is not afraid of words and she makes you share the intimacy of the characters. We feel naked from their nudity.
The magic of writing is to make you enter another reality by leaving your own reality. It is particularly noticeable with this book.
Voilà pour Jérôme qui attendait avec curiosité, dit-il, mes conseils de lecture !
So much for Jérôme who was waiting with curiosity, he said, for my reading tips!
Cependant, la semaine a été chargée. Pour la petite histoire, nous avons donné des poissons, ils sont trop nombreux dans la mare. J’ai emprunté une vraie épuisette après un échec avec le jouet que j’avais. Mais je n’ai pas été plus brillante avec l’outil adapté, les poissons en rient encore. Lou-Anne a réussi la performance d’en coincer un que j’ai pu capturer.
However, the week has been busy. For the record, we gave fish, there are too many in the pond. I borrowed a real landing net after a failure with the toy I had. But I haven’t been any brighter with the right tool, the fish are still laughing about it. Lou-Anne succeeded in trapping one that I was able to capture.
L’association Bugey Sud Actif organisait une visite des jardins ce week-end. Les photos parsemées ici et là sur cette page sont le résultat de nos explorations. Après être allés chez Michel, puis chez Françoise, et enfin chez Chantal et Maurice, nous avons reçu une trentaine de visiteurs, parmi eux des amis perdus de vue et qu’on a été très heureux de retrouver.
The Bugey Sud Actif association organized a visit to the gardens this weekend. The photos scattered here and there on this page are the result of our explorations. After going to Michel’s, then to Françoise’s, and finally to Chantal and Maurice’s, we received about thirty visitors, among them friends we had lost sight of and whom we were very happy to find again.
Je parlais de manque de lien social ?
I mean lack of social connection?
D’autres photos suivront !
More photos will follow!
Oui j’ai eu cette chance de rencontrer Gabrielle Fiteau-Chiba, au cours d’une séance de dédicace organisée par une petite (par la taille) librairie de La Garenne-Colombes. L’échange avec l’auteure a été chaleureux.
Gabrielle a tenu a remercier les lecteurs français, qui lui ont permis de rembourser l’emprunt qu’elle a contracté pour acheter une parcelle de forêt qu’elle compte sanctuariser.
Gabrielle Filteau-Chiba apparaît souvent dans les médias, cela semble récent, est-ce depuis la sortie de Bivouac ? Elle vient de passer sur Arte dans « vingt-huit minutes », et… nous n’avons pas eu le coeur de regarder, tellement cela semblait contradictoire : elle fuit la ville, ne se sent bien que dans la forêt, et l’émission faisait beaucoup de vacarme. La présenter comme une bête curieuse (oui, je fais exprès d’exagérer) c’était faire fausse route : la trahir.
Il y a une très belle interview d’elle au Québec par Latulipe, ça c’est intéressant.
Chouette si la vente de ses livres lui permet d’acheter encore et encore des parcelles de forêt !